Fausses attributions
Jean-Raymond Fanlo
(
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► Circé
►
Le Divorce Satyrique
Agrippa d'Aubigné
a-t-il écrit le ballet de Circé, c'est-à-dire Le
Ballet
comique de la reyne ? Il dit l'avoir conçu. Dans Sa vie à
ses
enfans, il parle de sa familiarité avec Guise, qui se rapproche
d'Henri de
Navarre : « Ces deux princes [...] faisoyent ensemble leurs
mascarades,
balets et carousels, desquels Aubigné seul estoit inventeur : et
des ce
temps il dressa le project de la Circé,que la Royne mere ne
voulut pas
executer pour la despence : et depuis le Roy Henri troisiesme
l'executa
aux nopces du Duc de Joyeuse » (éd. G. Schrenck, Paris, STFM, p. 85).
Il ne
parle que d'un projet.
Quand ce ballet a-t-il été représenté ? Certainement pas lors des
festivités de
1573 en l'honneur de l'ambassade polonaise dont parle l'HU (IV,
p. 156). Sa vie à ses enfans situe le projet au
plus tôt fin
1575, après la campagne de Guise contre les reîtres allemands :
impossible
en 1575 d'avoir l'idée d'un projet exécuté en 1573. D'autre part l'HU
ne
parle pas de Circé, mais seulement d'une représentation
fastueuse (alors
que Sa vie explique que Catherine de Médicis aurait refusé le projet
« pour la despence ») au cours de laquelle seize nymphes représentant
les
provinces de France sortent d'une roche argentée pour chanter des vers.
L'historien parle en fait du Ballet des Polonois auquel
divers
poètes ont prêté leur plume (mais pas Aubigné [1]),
et que
Dorat a publié
[2], et
où il n'est pas
question de
Circé. Il
précise que les vers, mauvais selon lui, sont de Jamyn.
Circé est au centre du Ballet comique de
la reyne de
Beaujoyeux, qui met en scène la magicienne. Il a été donné bien plus
tard, le 7
octobre 1581 à Paris pour le mariage d'Henri de Joyeuse avec Louise de
Vaudémont. Beaujoyeux dit qu'il a demandé à « La Chesnaye Aumosnier du
Roy » de
composer les poésies, et ne parle nulle part d'Aubigné. Le ballet est à
la
gloire d'Henri III. Son pacifisme, les compliments adressés au
monarque
(le règne malfaisant de Circé cesse grâce aux Valois), les emblèmes,
l'attente
d'un dauphin héritier du royaume, le silence absolu sur Navarre, tout
cela est
incompatible avec Aubigné.
Il est donc impossible de lui attribuer le Ballet comique.
L'oeuvre, qui
n'a rien de caractéristique du point de vue du style, est à l'opposé de
ses
idées comme de la politique d'Henri de Navarre dans les années 1580.
Aubigné a
peut-être pensé à un ballet de Circé à un moment ou à un autre, mais
rien de
plus.