Dans
ses mémoires, Agrippa d’Aubigné (1552-1630) fait de sa liaison avec
Diane Salviati un événement fondateur, sur le plan sentimental comme
sur le plan littéraire : « Il devint amoureux de Diane Salviati, fille
aînée de Talcy. Cet amour lui mit en teste la poésie française, et lors
il composa ce que nous appelons son Printemps ; où il y a
plusieurs
choses moins polies, mais quelque fureur qui sera au gré de plusieurs
». Il évoque là d’un mot le grand recueil de poésie profane qu’il
n’aura jamais publié de son vivant et qui est resté manuscrit jusqu’au
XIXe siècle. Le livre de sonnets intitulé Hécatombe à Diane
constitue
l’élément nucléaire de ce recueil et c’est le seul des trois livres
apparemment prévus dont il a laissé une version entièrement corrigée.
Prenant la forme d’un canzoniere pétrarquiste, il s’inscrit dans la
tradition ronsardienne tout en radicalisant les termes du discours
amoureux, puisque Diane y représente la réincarnation de la déesse
chasseresse aux mœurs cruelles, à laquelle le poète vient faire le
sacrifice d’une centaine de sonnets afin d’assouvir sa soif de sang
humain. Mais l’amant douloureux n’est pas seulement ici une figure de
victime conforme à la tradition, car l’Hécatombe à Diane, c’est d’abord
le chant d’un poète-soldat, d’un « mauvais garçon » qui certes maîtrise
les rituels de séduction amoureuse, mais dont la « fureur ardente et
desreglée » est susceptible des excès les plus violents et des
inventions verbales les plus fortes.
>>> notice de l'éditeur