Documents biographiques

1610 juin

Dans la députation protestante à Marie de Médicis, après l’assassinat du roi. Parle sur la fidélité inconditionnelle des protestants au roi.

L’Estoile, Mémoires-journaux, éd. Brunet et al., Paris, Librairie des bibliophiles, 1881, X, p. 302-303

« Sur la fin de ce même mois, arrivèrent à Paris les principaux seigneurs, gouverneurs et capitaines des places que commandaient ceux de la religion en Poitou, Saintonge, Angoumois et Languedoc, pour prêter serment de fidélité au nouveau roi et à la reine régente sa mère. Ce qu’ils firent sans exception aucune ni réservation (fors de leur édit, auquel ils supplièrent Leurs Majestés les vouloir entretenir), protestant, au reste, tous unanimement de venger la mort du feu roi, et la répéter sur tous ceux qui s’en trouveraient auteurs, fauteurs et complices, de quelque qualité ou condition qu’ils pussent être.

Monsieur d’Aubigné, entre les autres, gouverneur de la ville de Maillezais en Poitou, (brave gentilhomme et docte), parla fort et se fit ouïr au conseil ; dit qu’il était d’une religion en laquelle, comme en beaucoup d’autres, ni pape, ni cardinal, ni prélat, ni évêque, ne quelconque autre personne, ne les pouvait dispenser de la sujétion naturelle et obéissance qu’ils devaient à leurs rois et princes souverains, laquelle ils reconnaissaient leur être légitimement et absolument due, selon Dieu et sa parole.

Ce fut ce gentilhomme qui dit au feu roi, lorsqu’il fut blessé par Chastel à la lèvre, que de sa lèvre il avait renoncé à Dieu, et partant, que Dieu l’y avait frappé ; mais qu’il prît garde que le second coup ne fût point au cœur. Parole trop hardie d’un sujet à son roi, voire criminelle et capitale à tout autre qu’à d’Aubigné, auquel Sa Majesté, parce qu’il l’aimait, avait donné la liberté de tout dire et ne trouvait rien mauvais de lui : aussi, qu’il lui avait commandé à l’heure de lui dire librement ce qu’il pensait de ce coup. Sur quoi il lui fit la réponse d’un vrai et franc huguenot, et toutefois un peu bien éloigné (ce semble) de ce grand respect et obéissance qu’ils protestent de rendre à leurs rois. »